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26 septembre 2007 3 26 /09 /septembre /2007 09:00
Aucun anniversaire à commémorer... Juste l'envie de rappeler l'histoire. Demain, beaucoup ne seront plus là pour témoigner. Rappeler à quel point les hommes que nous sommes, peuvent sombrer dans l'inacceptable sans honte ni hésitation. Il y a quelques mois, j'ai rencontré Henri Graf et Denise Holstein, deux rescapés... Deux articles que j'ai écrits dans AggloMAG en mai 2005 pour le soixantième anniversaire de la libération de ces endroits trop souvent réduits au seul mot "camps". Voici le second...

Bras.jpg18 ans à Bergen-Belsen
 

« Avec mon frère, nous avions la vie de deux petits Français, heureux dans une famille unie. » En 1939, alors que le vent de la guerre souffle sur toute l’Europe, ce bonheur explose. Denise Holstein vient tout juste de fêter ses douze ans. Le début d’une adolescence qu’elle ne vivra pas, victime des infamies nazies. L’exode, l’étoile jaune et la déportation auront raison de ses rêves d’enfant.

Le 15 janvier 1943, comme la plupart des juifs rouennais, Denise et ses parents sont arrêtés. Direction, le commissariat central puis Drancy. Trois semaines avant la libération de Paris, le 31 juillet 1944, le dernier convoi quitte le camp d’internement français vers Birkenau. Denise Holstein aussi. « Dans ce wagon à bestiaux, nous étions une soixantaine : quarante-huit enfants et douze adultes. Il faisait horriblement chaud, l’air manquait, l’eau aussi. La deuxième nuit, alors que nous avions enfin réussi à trouver le sommeil, le train s’est arrêté, les portes se sont ouvertes brutalement. Les soldats allemands nous ont ordonné de descendre. »

La barbarie nazie devient une réalité. Froide et implacable. Même si Denise Holstein ne se rend pas tout de suite compte de l’ampleur de la « solution finale », sinistrement orchestrée par les tenants du troisième Reich, les humiliations commencent. La jeune fille est rasée : « Comme beaucoup d’adolescentes, je tenais à mes cheveux… On nous a ensuite jeté des loques pour uniques vêtements avant de nous entasser dans les baraques : nous étions une douzaine par lit. »

Deux jours après son arrivée, Denise est tatouée : A16727… Un matricule qu’encore aujourd’hui, elle prononce en allemand. « On sentait l’odeur, on voyait la fumée… Mais je ne voulais pas croire qu’il s’agissait d’un camp d’extermination », assure-t-elle. Derrière les barbelés, chaque seconde devient un supplice. Que ce soit l’appel, interminable de 3 heures à 8 heures du matin, les corvées « idiotes » qui consistent à « trimballer des briques ou des machines à coudre d’un bout à l’autre du camp », plus aucune raison semble guider SS et kapos. Et malgré la progression des alliés en Europe, l’extermination reste méthodique.

 
"Les envoyer dans les chambres à gaz"

Même l’infirmerie où elle séjourne quelques semaines, atteinte d’une scarlatine, ne lui offre pas le repos tant espéré. « C’était l’antichambre de la mort. Je croyais échapper aux sélections… Mais une nuit, Josef Mengele (NDLR : le médecin-chef de Birkenau surnommé l’ange de la mort) est venu sélectionner des malades pour les envoyer dans les chambres à gaz. » Seules dix femmes, sur la centaine qui étaient alignées, ont été épargnées dont Denise.

Dans la nuit du 31 décembre 1945, la jeune Rouennaise est évacuée vers Bergen-Belsen. « Un camp de concentration sans chambre à gaz, sans four crématoire… » Trois mois plus tard, le 15 avril, l’armée britannique libère ce camp. « J’avais le typhus … Les dernières semaines, chaque matin, nous devions sortir les morts pour les entasser dehors. Des tas de cadavres nus… C’était l’horreur. Quand à midi, ce 15 avril, nous avons entendu des haut-parleurs annoncer que nous étions libérés, nous avons tous pleuré. »

Aujourd’hui, Denise Holstein témoigne. Depuis dix ans, elle arpente les collèges, les lycées pour raconter. Parler de son adolescence perdue, de la folie des hommes. Alerter les plus jeunes des dangers de l’intolérance. Pendant cinquante ans, elle n’a pourtant rien dit. « La réadaptation à la vie a été très difficile. Je ne voulais pas raconter. A personne. Je ne voulais pas raconter à ma grand-mère, qui m’a recueilli en 1945, ce qui était arrivé à sa fille unique, ma mère. » En 1991, alors que le révisionnisme rejaillit, Serge Klarsfeld, l’avocat et président des Fils et filles des déportés juifs de France, lui demande de témoigner. Pour rappeler que ses 18 ans, elle les a eus à… Bergen-Belsen.
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commentaires

B
A 16 ans, j'ai rencontré Denise Holstein. Elle est venue narrer son adolescence bafouée dans mon lycée.Est-ce mon nom de famille ou mes larmes interminables qui l'ont interpellée ? toujours est-il qu'elle ne m'a pas lachée des yeux durant son récit. Elle est venue m'embrasser à la fin de sa conférence. J'étais bouleversée. Tes jolis mots, aussi saisissants soient-ils, ne sont rien à côté de sa voix troublée et troublante.Merci de m'avoir fait revivre cette scène.
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L
Une plume splendide pour un récit boulversant. Merci à toi .
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