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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 13:36
Des os. Rien que des os. Et pourtant… Peu à peu, la collection d’Hector D. apparaissait au grand jour. Des bras emmêlés, des cadavres figés, des cheveux souillés, secs. Paul n’en avait que faire. Bleues ou blanches, cravatées ou armées, les forces de l’ordre pouvaient bien squatter ad vitam aeternam les alentours, lui, reclus dans sa cabane, devait coûte que coûte remplir la mission fixée trois semaines plus tôt. Son fameux tour du MOI en 80 jours. Les heures s’écoulaient, les levers de soleil disputaient le ciel aux couchers et rien n’avançait. Rien n’allait. Les lignes du début étaient depuis bien longtemps passées par pertes et profits. Chiffonnées. Déchirées. Perdues. Internet faisait des siennes, le laissant face à lui-même, obligé de s’inventer des images, des fenêtres sur le monde. Seul. Contrairement au Robinson de son enfance, rassuré dans sa supériorité par Vendredi, lui n’avait personne. Personne en qui se voir, personne en qui s’évaluer. Et c’était la panne sèche. Pas une ligne, pas une idée, pas une pensée. De prolifique les premières heures, l’île venait d’assécher son marigot spirituel. Dehors, les uns et les autres s’agitaient. Satisfaits du travail accompli, horrifiés par le travail accompli. Assis, menotté, Hector D. observait.  D'ici à la fin de la semaine, tout rentrerait dans l'ordre. Les flics quitteraient les lieux, les malles remplies de pièces à conviction, et Paul attaquerait les 50 derniers jours de son exil volontaire.
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22 novembre 2006 3 22 /11 /novembre /2006 14:03
"Ah les affres de l'amour. L'homme a pour principal défaut de rester un enfant toute sa vie. Au moindre coup de foudre, au moindre coup de vent, il prend le large. Et toutes ses promesses, avec. Mais tu sais, la princesse au bois dormant n'est pas évidente à trouver non plus. Elle nous parle de liberté, de passion, de vie sans contrainte, de quotidien sans effort et au final, le soufflet des premiers mois retombé, l'ordre des choses reprend sa place. Un ordre qui convient toujours mais qui ne rend pas plus beau le reste. En fait, je crois que nous, les hommes, passons notre temps à rêver notre vie, à l'espérer plus belle qu'elle ne l'est, à vouloir toujours plus (sans pour autant se fatiguer) ; et vous, les femmes, vous êtes accrochées à la réalité. Vous trouvez dans la banalité du quotidien les attitudes, les moments qui vous rendent heureuses. C'est une chance ! A croire que l'homme est un perpétuel insatisfait et la femme, une adepte de la médecine douce. Peut-être un jour arriverons-nous à nous comprendre ?" Paul hésita et cliqua sur "Envoyer". Depuis que son île était devenue un chantier digne du sixième pont, il s'était enfermé, vivant de boîtes de conserve, par et pour sa connexion Internet. Alors il écrivait. Pas un roman, mais des mails. A tout le monde. A ses amis, à ceux qui finalement ne le connaissaient pas. A ceux à côté de qui il vivait sans s'en rendre compte. A lui-même aussi. Comme ce mail bizarrement.
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15 novembre 2006 3 15 /11 /novembre /2006 15:23
Alors qu'il attaquait la trentième page d'un roman qu'il savait d'ores et déjà inachevé, Paul avait été dérangé. Dérangé, le mot était faible. Un képi, deux képis, quelques cravates, une pelleteuse s'étaient présentés devant sa propriété. "Louée depuis peu", avait-il soufflé, histoire d'éviter tout malentendu inutile. Un papier à en-tête, l'autorisation sans doute de saccager sa tranquillité, et l'escouade avait pris possession de son antre. Lui, assis, regardait par la fenêtre ce bordel légalisé. Car pour creuser, ils creusaient... Partout ! Tapage diurne, vandalisme... Dans ses rêves, les actes d'accusation pleuvaient au même rythme que les coups de crocs métalliques. Sauf qu'il s'agissait d'un homicide, un crime odieux qui ne ressemblait en rien aux blagues d'adolescents attardés. Paul finit par s'approcher du groupe. Au milieu, un homme attendait, le regard perdu dans des souvenirs sanglants. Il le connaissait : son portrait avait arrosé tous les médias de France et d'Europe. Un serial killer tout ce qu'il y a de plus présentable, un mec comme les autres. Hector D.
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6 novembre 2006 1 06 /11 /novembre /2006 14:34
C'est une question de pas à franchir. La première ligne est toujours la plus difficile à écrire. Non pas que l'inspiration manque... Au contraire même, les idées fourmillent, ne s'arrêtent pas de voltiger, d'attiser l'envie de coucher des histoires, d'accoucher d'un chef d'oeuvre. Reste que l'on imagine à chaque éclair de génie le roman écrit, imprimé, relié, distribué et acheté... Le bandeau du Goncourt barrant la couverture, tout en faisant fi du temps à y consacrer. Mais le problème est ailleurs, au fond de soi, dans un endroit reculé et capricieux : la confiance. Comment peut-on écrire, se confier à un lecteur, sans tomber dans le cliché, le ridicule, la prétention ? Parce qu'enfin, quel narcissisme, quel culot que celui de prétendre être écrivain ! Certains pensent, à l'inverse, que l'écrivain en profite pour guérir ses angoisses, son mal-être. En somme, les mots remplaceraient son psychiatre. Une thérapie à moindre coût qui, pour 15 €, soulagerait - en plus - des dizaines de lecteurs : "C'est tout à fait ça ! Exactement ça ! J'aurais pu l'écrire..." Oui mais voilà, c'est pas vous l'auteur, c'est lui ! Et lui de son côté doit vivre avec ses spasmes d'écriture, ses TOC, ses peurs, les accepter, les élever, les parquer... Sans se flinguer. Alors, oui, l'écriture lui permet de supporter tout ça. Pour sa part, pensait Paul en démarrant son bouquin, il allait falloir creuser bien profond dans ses souvenirs, ses regrets, ses remords, ses "aventures". Un travail de fossoyeur, mais à l'envers.
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18 octobre 2006 3 18 /10 /octobre /2006 13:54
Ça pour écrire, Paul s'y entendait. Les premiers jours passés à se regarder le nombril, à s'interroger sur le bien-fondé de tout ça, à s'endormir sur le coin de la table, la bave au bord des lèvres, avaient été des plus bénéfiques. Un régime pain sec et eau qui lui avait rendu les armes perdues : l'inspiration et l'envie de disparaître. Ce n'était pas la solitude qui le poussait à écrire, à coucher ses états d'âme sur des feuilles plus ou moins vierges. C'était la mélancolie, une affection chronique qu'il savait puiser au fond de lui. Jardinier de son mal-être, Paul prenait en effet grand soin de ses atermoiements... Allant jusqu'à se refuser au bonheur total. Depuis bien longtemps, les paysages n'évoquaient plus rien, ni leur grandeur ni leurs senteurs. Tout n'était plus qu'images d'Epinal, des reliefs aplatis sur des cadres posés devant ses yeux. La mer avait perdu de son iode, de sa fraîcheur, de son piquant, de sa joie, de son soleil... Elle n'était plus qu'une étendue inconnue, une amie abandonnée. Il avait beau tendre les bras, comme pour saisir les bruits, les lumières... En vain. De temps en temps, il chopait au vol un épi, une brindille de vie, mais ses doigts ne palpaient finalement que des surfaces dures, molles, insignifiantes. Ni odeur ni chaleur. Rien de bien sensuellement réel. De la 3D, Paul s'était enfermé dans un monde en deux dimensions. Une 2D trop restrictives pour quelqu'un qui rêvait de grandes batailles, pensait en mode "imagination" jour et nuit. Il l'avait compris. Paul n'était pas là pour écrire, enfin presque pas. Il n'était là que pour une chose : réapprendre à aimer les choses, les gens, à s'aimer.
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17 octobre 2006 2 17 /10 /octobre /2006 14:02
C'était comme un mouvement introductif de Tiersen. Lent, presque monotone voire assommant. Un fleuve au bord de l'asphyxie qui, brusquement gonflé par des pluies diluviennes, se mettait à filer vers la mer. Sans retenue. Sauf qu'ici, c'était l'inverse. Tout commençait par un bouillonnement incontrôlé, une succession de folies, d'oublis surtout... De moments où la vie débordait de son lit, s'emballait, emportait tout sur son passage, du compte en banque à nos certitudes. Tout changeait. Le noir se transformait en blanc. Le matin en soir. Les votes d'hier n'étaient plus qu'erreurs. Les ennemis d'avant des regrets. Les amis des remords. Bref !, l'amour bouleversait une vie. La réveillait. La mienne. Et avec un peu de chance la sienne. Et puis le temps passait par là. L'autoroute sentimental respectait de nouveau ses limitations de vitesse. Le coeur repassait sous la barre des 100 pulsations minute. Les draps retrouvaient la fraîcheur de plis bien droits. Et le myocarde respirait... Soulagé d'avoir résisté au choc. Peu à peu, les choses reprenaient un cours normal. Le fleuve remontait vers ses sources. Lentement. Les amoureux découvraient les habitudes, les sourires figés, les nuits sans passion, les soirées perdues après tant d'instants où l'on se disait "éperdu". Ceux qui depuis des mois, vivaient dans, pour et par la couette, découvraient quels inconnus ils étaient l'un pour l'autre. L'heure du mensonge avait sonné. Paul, de son côté, retrouvait peu à peu le goût du clavier.
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10 octobre 2006 2 10 /10 /octobre /2006 15:52
La bicoque était sommaire. Un cube posé là, au coeur des Alpilles, un point c'est tout. Aucune recherche architecturale. Aucune originalité esthétique. C'était un cube, un simple cube. Paul n'en avait cure. Du moment qu'il y avait un lit - tout sauf une paillasse - , une cuisine - même rudimentaire-, une table - une vieille pour ressembler au papé - et, surtout, une prise de téléphone : petite ouverture de 8 mégamax sur le monde. En couleur sur 17 pouces. Sans grande surprise, il avait passé la première semaine... Terriblement seul. Incapable d'écrire la moindre ligne, incapable de se décoller d'un écran qui, finalement, était bien plus réducteur que les promesses numériques affichées çà-et-là sur les murs de sa mémoire. Disons que, sans aucune idée de recherche, internet était aussi dénué d'intérêt qu'une plage de la Grande-Motte. C'est peut dire ! Il n'allait tout de même pas s'exploser le poignet sur les pages de Voissa, encore moins s'exciter les neurones sur le site de Julien Lepers... Même s'il ne cachait pas ses préférences pour les envolées plastiques et photographiques du premier. Enfin... Il avait passé l'âge. Après quelques hésitations, pures formalités d'un homme de LA ville, il s'était aventuré hors des murs de son abri. Un passage à la nature, véritable accouchement dans la douleur tant tout lui paraissait hostile. Des épineux aux épeires, en passant par l'air un peu trop vif à son goût et une luminosité bein trop violente pour ses tendances migraineuses. Bref ! L'homme se révélait un bien piètre candidat à la solitude. Peut-être était-il temps d'accepter l'évidence : il se faisait CHIER...
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13 septembre 2006 3 13 /09 /septembre /2006 12:19
"La vie ne peut pas seulement être ça ! Une course éperdue contre soi-même, un besoin de prouver l'impossible à des... cons !" Entre deux bornes kilométriques, alors qu'il approchait enfin de son île, et deux pleins après son départ, Paul s'était de nouveau posé LA question. Celle qui l'avait poussé à s'enfuir au fin fond des Alpilles. "Pourquoi se bat-on pour exister alors que tout ce qui nous entoure sent la merde ?" En se réveillant, une semaine plus tôt, ce constat l'avait ébranlé. Rien ne servait donc de continuer puisqu'à toutes ses questions, la même réponse revenait finalement en boucle : INUTILE. Il n'avait pas osé poser le pied par terre, comme si ses fondations n'étaient devenues qu'une vaste étendue instable, une mer de solitude dans un océan d'absurdités. Non seulement les AUTRES ne valaient pas le coup d'être connus, mais en plus lui-même n'était qu'un clone de ces mêmes autres... Une théorie bien confuse, des plus pessimistes, qu'il ne cessait depuis de constater. Que ce soit à la fenêtre de son bureau, devant la télévision, au travers des revues glissées sous sa porte, l'humanité, il s'en rendait compte, ne servait à rien. A part bien entendu détruire un monde, une planète qui aurait préféré se passer de l'intelligence des homo erectus. Alors il fuyait, non par lâcheté, mais dans l'espoir, au contraire, de dénicher au fond de lui une autre réponse que cet indélébile INUTILE. Il voulait croire encore en l'homme. Non nous ne pouvions pas être aussi laids que ça, nous ne pouvions pas nous résumer à ces accents ignobles, à cette agressivité ambiante qui nous pousse à voler les heureux, à broyer les malheureux. Non ce n'était pas possible ! Nous ne sommes pas qu'un leurre, une masse grouillante qui se complaît dans la graisse et la bêtise. Sur ce, il sortit de la voiture, ouvrit la grille et entra dans son île. 80 jours.
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28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 09:32
La voiture chargée à bloc, Paul s'était envolé pour les Alpilles. Dix heures de route, en solitaire et de nuit, au volant de sa VW Jetta. "Rien ne vaut les familiales, ça pose son homme !" Le train ? C'était pour les vieux, les étudiants, les militaires... Pour ceux qui, dix minutes avant de grimper à bord de la voiture 2, aimaient faire la queue dans les relais H, Marie-Claire, Fluide Glacial, Rock & Folk ou Historia sous le bras. Et qui, assis, peinaient à dépasser la première page, déjà bercés par le tagada ferroviaire. Lui, en célibataire endurci qu'il n'était pas, préférait le doux cocon d'un habitacle de deux mètres cubes. L'envie, sans doute, de jouer le premier rôle d'un bon vieux road movie le long de la RN 7. Auxerre, Beaune, Lyon, Valence... La Jetta avalait les kilomètres sans se plaindre. Par gourmandise. De son côté, Paul, avec ce sentiment désagréable d'être en roue libre, regrettait déjà. Pas facile d'être seul.
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14 août 2006 1 14 /08 /août /2006 14:28
Depuis le temps qu’il en parlait, enfin qu’il se le promettait, Paul s’était lancé. Il ne s’agissait pas d’un acte héroïque, façon Steeve McQueen, non simplement d’un départ à la Jules Verne : le tour du moi en 80 jours. Une balade solitaire au fond de soi-même ni plus ni moins. Il y a quelques années, ce genre d’épopée égoïste, il l’aurait bien vue en Bretagne, un ordinateur portable pour seul compagnon. Quinze jours au bout de l’Europe, face à l’océan, avec pour unique objectif : s’écouter, se comprendre et s’écrire. Parce que c'était son truc à lui, sa marotte, sa petite quête personnelle : trouver du temps, du courage, pour coucher toutes les interrogations qui ne cessaient de l’assommer jour et nuit depuis toujours. Au début, il s'était dit que ces débats intérieurs suivraient l’ère du temps, les époques, les modes environnantes. Qu'il mettrait de côté sa cour d’école, son univers peuplé de Goldorak en papier mâché, de Capitaine Flam en tenue de soirée et d’autres superhéros made in Japan. Qu'un jour ou l'autre, la limonade n’aurait plus le même goût. Plus amère, mâtinée de relents hormonaux, elle l'emmènerait dans les contreforts de ces sourires, de ces regards... De ces premiers baisers et surtout de ces envies inconnues qui nous poussent à tout… Jusqu’à découvrir la peau de l’autre. Et puis à trente ans, fort de toute l’expérience accumulée au fil des gadins, hop !, qu'il serait prêt à affronter le grand monde. Comme la White Star Line partant, avec le Titanic, à l’assaut de l’Atlantique Nord. Mais pas Paul. Lui continuait de s’interroger sur tout. Sur lui plus que sur les autres forcément. Mais aussi sur EUX : ceux qui l’entouraient, l’avaient entouré et l’entoureraient. Sans savoir pourquoi, il les connaissait tous, les comprenaient tous, voyaient en eux aussi facilement qu’un scanner dernier cri. Et ça le bouffait. Alors pour calmer ces maux de tête de plus en plus fréquents, ces discussions ininterrompues avec lui-même, Paul s’était jeté. Oubliant les côtes bretonnes, il s’était tourné vers une propriété perdue dans les Alpilles. Quelques hectares sans richesse. Son île.
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